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Mille et une zaouïas virent le jour, les hommes pieux et les savants s’installèrent dans les villages, les rites à leur dévotion commencèrent à s’organiser, le culte protecteur de leur dépouille devint la règle et le ferment communautaire.
Le ksar d’Aït Ben Haddou était dès ses origines à l’image de ce Maroc épris de la présence du divin. Très tôt déjà des communautés juives en provenance d’Orient s’étaient installées aux côtés des populations locales amazighes pour ensemble et en harmonie dérouler toutes les facettes de leur spiritualité respective.
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A l’instar des autres villages, le ksar se choisit à partir du 9ème siècle ses guides religieux en la présence de marabouts, ces soufis érudits aptes à assurer à la collectivité la protection nécessaire en ces temps tourmentés par les conflits entre les tribus et par les fragilités de l’existence.
Le marabout le plus connu porte le nom de Sidi Ali ou Amer. La tradition orale rapporte plusieurs histoires pour expliquer sa venue au ksar et les raisons de la dévotion qui lui est portée. Il serait ainsi originaire de Tazarine n’Aït Atta et aurait rejoint les armées du chef d’alors, de la famille des Aït Ben Haddou, afin de participer à la guerre sainte menée contre les portugais. Mort au court de la bataille, un mausolée aurait été édifié en son hommage, aux abords du cimetière collectif. D’autres légendes décrivent ce lieu comme porteur de vertus miraculeuses, comme pour tant d’autres lieux de sépulture de marabouts. Il se raconte en effet qu’un habitant du village voisin de Tikirt finança la construction du bâtiment après que son fils paralysé fut guéri d’avoir passé la nuit sur le tombeau du saint homme.
Depuis, la communauté d’Aït Ben Haddou célèbre chaque deuxième samedi du mois de juin la fête en l’honneur de son protecteur. C’est le Moussem de Sidi Ali ou Amer qui passe par le sacrifice de deux vaches, la lecture du Coran et les louanges des nombreux visiteurs venus en pèlerinage, visite sacrée que l’on dénomme ziyara, dans l’espoir de recueillir contre leurs offrandes quelques gouttes de sa baraka.
Régulièrement, des femmes d’autres villages environnants organisent un maarouf, c’est-à-dire un couscous collectif offert à tous. Certaines viennent alors rechercher la fécondité, d’autres le meilleur partie en vue d’un mariage. D’autres encore cherchent à éviter les futures maladies, ou bien espèrent trouver un emploi.
Les rites sont nombreux autour du célèbre marabout et tous mélangent dans un même élan les préceptes de la foi et les diversités colorées de la superstition ; au point qu’on on imagine avec aisance le fil qui relie entre elles toutes ces figures populaires du sacré au plus lointain passé, et aux premiers humains qui un jour choisirent d’arrêter leur itinérance pour faire communauté autour du rocher d’Aït Ben Haddou.
Ce texte a été rédigé dans le cadre de l’ouverture de la Maison de l’Oralité du ksar d’Aït Ben Haddou.
La série sur le ksar d’Aït Ben Haddou
A visiter : Le ksar d’Aït Ben Haddou
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