L’existence du Tifinagh, autrefois appelé écriture libyque, est attestée depuis l’Antiquité, mais ses origines semblent remonter à des temps bien plus anciens. Gravées sur des roches aux côtés de figurines représentant des cavaliers et des animaux sauvages, on distingue des signes géométriques caractéristiques du style de l’alphabet Tifinagh. Ces inscriptions, souvent retrouvées dans les montagnes de l’Atlas ou le désert du Sahara, témoignent d’une culture profondément ancrée dans le territoire nord-africain.
Historiquement, l’écriture libyque, considérée comme l’ancêtre du Tifinagh, se présentait sous différentes variantes régionales, telles que le libyque oriental et occidental. Ces distinctions montrent l’adaptation de cette écriture aux réalités culturelles et géographiques variées des populations berbères. Les gravures rupestres ne servaient pas uniquement à communiquer, mais aussi à transmettre des croyances spirituelles, des récits mythologiques et des repères sociaux. Ces marqueurs, souvent situés dans des lieux stratégiques, reflétaient l’importance symbolique de l’écriture dans la mémoire collective.
Pendant longtemps, les chercheurs du 19ᵉ et du 20ᵉ siècle ont défendu l’idée que le Tifinagh trouvait son origine en Orient, dans l’espace culturel phénicien. Cependant, depuis plus de deux décennies, l’idée d’une origine autochtone a progressivement gagné en crédibilité, grâce aux travaux d’historiens et d’anthropologues.
Quant à l’étymologie du terme, elle reste incertaine. Une légende populaire affirme qu’il s’agit d’un mot composé : tifi, qui signifie en berbère « trouvaille » ou « découverte », et nnegh, un adjectif possessif signifiant « notre ». Cela donnerait au mot Tifinagh le sens poétique de « notre découverte ». Cependant, cette interprétation est discutée, et certains chercheurs y voient un lien étymologique avec le mot ‘Punic‘, désignant les Phéniciens.
Aujourd’hui, le Tifinagh est bien plus qu’un simple alphabet ancien. Grâce à l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), créé en 2001, cet alphabet a été standardisé et intégré dans le système éducatif marocain. Depuis la reconnaissance de l’amazigh comme langue officielle en 2011, son usage s’est généralisé. On retrouve des traductions en Tifinagh sur les façades des édifices publics, en sous-titres à la télévision, sur les produits de consommation, les médicaments et même dans les applications numériques. En 2004, l’intégration du Tifinagh au standard Unicode a marqué un tournant, permettant son utilisation dans les logiciels et les plateformes numériques, et facilitant ainsi sa diffusion mondiale.
Au-delà de son usage pratique, le Tifinagh est un puissant symbole identitaire. Pour les communautés berbères, il incarne la résurgence d’un héritage longtemps marginalisé et l’affirmation de leur place dans le paysage culturel contemporain. De plus, dans l’espace touareg, il continue d’être intensément utilisé, perpétuant des traditions séculaires tout en s’adaptant aux enjeux modernes.
Ainsi, le Tifinagh témoigne non seulement d’un passé riche et complexe, mais aussi d’un avenir prometteur pour la préservation et la valorisation de la culture amazighe.
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