P anorama d’informations, actualisé chaque semaine, pour mieux connaître les mille facettes du monde berbère ou amazighe, son histoire, ses cultures, ses traditions, ses coutumes et légendes, ses figures, le chemin ancestral de son épopée jusqu’à aujourd’hui, ses particularités et sa modernité.
Yennayer, le nouvel an berbère
Traditions
Le Nouvel An amazigh marque le premier jour de l’année agricole pour les communautés berbères. Il correspond au premier jour du mois de janvier dans le calendrier julien. L’année 2020 correspond ainsi à l’année 2970, et le jour du nouvel an se situe autour du 12 janvier de notre calendrier habituel.
Certains historiens expliquent que cette date correspond à l’intronisation en tant que pharaon du roi amazigh Chachnak, encore appelé Sheshonq Ier, après avoir vaincu Ramsès III, en 950 avant JC. Les Amazighs ont ainsi réussi à établir un royaume qui s’étendait de la Libye jusqu’à l’Égypte. Cette glorieuse victoire aurait marqué le début du calendrier amazigh.
En tant que fête agricole, Yennayer est une célébration de la vie. Comme la fête du 1er janvier, c’est un moment où les gens font des vœux de longévité, de prospérité et d’avenir. C’est un jour propice aux mariages et à d’autres événements importants de la vie.
La nourriture occupe une place importante dans la célébration et plusieurs plats sont traditionnellement servis lors de cette journée spéciale. L’orkimen est une soupe épaisse à base de fèves sèches et de blé. Le couscous est un autre plat traditionnel, et à Yennayer, il est spécialement préparé avec sept légumes. Le Tagoula est lui un repas de grains de maïs préparé avec du beurre, du ghee, de l’huile d’argan et du miel.
Une graine de datte ou un morceau d’amande peut être caché dans le Tagoula ou le couscous. Celui qui trouve la graine ou la noix est censé être béni tout au long de l’année. Autrefois, on confiait à cette personne les clés de la salle de stockage pour le reste de l’année.
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Bilmawen, l’homme aux peaux sorti du fin fond des temps
Traditions
L’esprit du carnaval aura traversé toutes les cultures du monde et certaines de ses traces perdurent encore aujourd’hui ça et là au Maroc, notamment au sein des communautés amazighes du Haut- Atlas occidental.
Le jour après la fête du sacrifice du mouton, l’Aïd El Kébir, un personnage habillé d’une peau de mouton ou de chèvre, la tête ornée de cornes de mouton et muni d’un long bâton, parcoure les rues, accompagné d’enfants qui collectent de l’argent et des dons, seul moyen d’échapper aux coups de pattes de « l’homme aux peaux ».
Certains chercheurs expliquent ce cérémonial par une réminescence d’anciens rites magiques berbères, préislamiques, symbolisant l’alternance des saisons, la mort et la résurrection du dieu de la végétation. Ces rites pourraient être reliés aux fêtes des Saturnales romaines où là encore, des personnages vêtus de peau de bouc chèvres sacrifiés avant la fête s’éparpillaient dans la foule en fouettant de leurs lanières les passants, le tout dans une invocation de fertilité pour la terre et les humains. D’autres y repèrent la survivance de pratiques quasi préhistoriques.
Dans certaines régions, la « fête de Boujloud » était marquée par des spectacles de rue se prolongeant jusqu’à des heures tardives sur la place publique. La ville de Fès et de Marrakech en ont gardé en mémoire ces traditions ancestrales au travers la dénomination de certaines de leur porte, Bab-Boujloud, un des principaux accès de la médina de Fès, ou l’esplanade de la porte Boujloud à Marrakech.
Des communautés juives du Maroc avaient elles aussi leur « Bou Jloud » au moment de la fête de Chavouoth.
La Takchoulte, l’objet de proximité dans les campagnes berbères
Traditions
Objet typique par excellence de la vie amazighe rurale : une jarre traditionnelle faite en peau de chèvre, utilisée pour rafraichir l’eau. La tradition raconte que personne ne tombe malade en buvant de son eau.
Lorsqu’on termine l’abattage d’une chèvre, on garde la peau dans un pot en ajoutant de l’herbe amère pour faciliter le processus d’élimination des poils. Plusieurs jours après, on arrache ce qui reste et on referme les bords de la peau d’une façon esthétique sauf la partie qui recouvre la nuque qu’on laisse ouverte en guise de versoir pour l’eau. On la renferme à nouveau dans son pot avec la même herbe amère, le tout sur plusieurs jours pour enlever ce qui reste de saleté et d’odeur. Enfin, il faut bien laver le tout pour ensuite l’accrocher dans une place ombragée. La Takchoulte va pouvoir remplir son office.
Malgré les avantages certains des objets modernes du quotidien, il est probable que beaucoup de femmes berbères rurales continueront à utiliser cette manière naturelle de garder l’eau fraîche et propre.
Le terme arabe pour la dénommer est Lgourba, ce qui veut dire proche. Il se peut en effet que jadis, il y a fort longtemps, la Takchoulte, la Lgourba, était l’un des objets duquel on se tenait le plus proche, en raison de son aptitude à refroidir l’eau. Il servait aussi à préparer le petit lait. Et parfois, dans le secret du monde des femmes, il s’y cachait quelqu’objet de valeur.
L’alphabet Tifinagh, une création 100% berbère
Patrimoine
L’existence du Tifinagh, autrefois dénommé écriture libyque, est attestée par les scientifiques depuis l’Antiquité, mais on en retrouve des traces bien plus anciennes. En effet, gravées sur les roches aux côtés de figurines représentant des cavaliers et des animaux sauvages, on distingue des signes géométriques représentatifs du style d’alphabet Tifinagh.
Les premiers chercheurs du 19ème et du 20ème siècle considéraient que le Tifinagh avait son origine en Orient, plongeant ses racines dans l’espace culturel phénicien. Depuis plus de deux décennies maintenant, l’idée d’une origine autochtone commence à faire son chemin.
Par contre l’étymologie du terme n’est pas clairement reconnue. Une légende populaire explique qu’il s’agit en fait d’un mot composé de tifi qui signifie en berbère trouvaille ou découverte et de l’adjectif possessif nnegh qui signifie notre, ce qui donne le sens global de notre découverte.
Le Tifinagh est aujourd’hui l’alphabet de l’amazigh, langue officielle du pays depuis 2011 et son usage s’est généralisé. On retrouve des traductions retranscrites en tifinagh sur les facades des édifices publics, en sous-titrage à la télévision, sur les produits de consommation ou les médicaments … Le Tifinagh continue à être intensément utilisé dans l’espace touareg.
En savoir plus : Le Tifinagh, la singularité berbère gravée dans le temps
Tin Hinan, la reine des Touaregs
Histoire
Figure emblématique de la mythologie amazighe, Tin Hinan est le nom que la tradition orale donne à la première reine des Touaregs. Cette femme berbère charismatique ayant vécu au IVe siècle est considérée comme la fondatrice du peuple touare. Une figure féminine emblématique entre mythe, légende et réalité.
Etymologiquement le nom Tin Hinan signifie celle des voyages ou la femme aux tentes. Elle fut une Temnoukalt de renom, c’est-à-dire une cheffe de confédération Touareg. Ce peuple appelle leur matriarche Notre mère à tous.
Selon la tradition, Tin Hinan serait originaire du Tafilalet, dans le Sud Est du Maroc. Elle a quitté sa région natale, pour des raisons inconnues, à dos de chameau en compagnie de sa servante (Takamat ou Takama) et de sa caravane. Elle traversa le Sahara pour arriver enfin dans le Hoggar en Algérie.
En 1924, des archéologues franco-américains découvrent la tombe d’une femme qui date du 4ème siècle sur une colline de l’oued Abalessa, du côté de Tamenghasset en Algérie. Ils y exhument un squelette féminin en 1925 attribué à Tin Hinan. Ce squelette est accompagné d’un mobilier funéraire : perle, bijoux précieux en or et en argent, pièces de monnaie, fragments de poteries.
Les Touaregs, habitants de cette région appellent ce mausolée royal Tombeau de Tin Hinan.
La fibule berbère
Patrimoine
La fibule est un objet symbolique du patrimoine berbère. Son nom amazighe est Tiseghnest (pl. tiseghnas), Tazerzit (pl. tizerzay) ou Afzim en Kabylie. la racine du mot signifie agrafer, embrocher.
Selon Salima Naji dans les Cahiers du Musée Berbère, « l’on s’accorde à dire que, visuellement, la fibule représente le féminin dans ses attriburs sexués. Chez les Berbères, ce bijou d’apparat est en effet d’abord un marqueur d’appartenance tribale, indicateur de la richesse de la tribu (…) La paire de fibules est la pièce maïtresse de la dot (lqimt) fournie par le père pour protéger sa fille ». « Un rite observé dans le Haut Atlas occidental rapporte que lorsqu’était accueillie une nouvelle génisse au sein d’une demeure, l’épouse prenait soin de poser sa fibule d’argent sur le seuil pour que l’animal l’enjambe en entrant, de facçon à rendre la vache féconde. »
La fonction de la fibule est avant tout pratique : c’est une agrafe, l’ancêtre de l’épingle de sureté, utilisée dès l’Antiquité par les Etrusques, les Grecs ou les Romains. Les femmes berbères les utilisent soit dans les cheveux pour retenir un foulard, soit en décoration sur le torse, soit par paire sur chacune des épaules et avec l’usage de maintenir sur le dos une pièce de tissu.
La fibule berbère apparaît au Maghreb dès l’âge du bronze.
Aux portes d’Ouarzazate, la citadelle des trois princesses
Légendes
En 1883, l’explorateur français Charles de Foucauld est le premier à traverser le Sud du Maroc. Il raconte son périple dans un ouvrage Reconnaissance au Maroc. Alors qu’il séjourne à Tikirt, douar actuellement situé dans la commune rurale d’Aït Zineb, province d’Ouarzazate, il décide d’aller voir le site des ruines d’une citadelle légendaire. Voici son récit et ses croquis réalisés sur place :
« Je profite de mon séjour à Tikirt pour aller visiter les ruines de Tasgedlt, célèbres dans le pays et objet de mille légendes. Elles se composent d’une enceinte presque carrée, jadis garnie de tours. Les murailles, épaisses, ont dû être en maçonnerie à la base, en pisé dans le haut. Il en reste peu de chose. La partie sud est la mieux conservée ; on y voit 7 ou 8 tours ayant encore 4 à 8 mètres (…) La forteresse sur une côte rocheuse se transforme brutalement en muraille verticale où s’ouvrent les bouches de plusieurs cavernes. Une ancienne citadelle, des cavernes, voilà plus qu’il n’en faut aux habitants pour voir ici une trace du passage des Chrétiens. »
« La légende présente dans la mémoire des habitants raconte : il y a bien des siècles, trois princesses, filles d’un roi chrétien, régnaient sur ces contrées : l’une, Doula Bent Ouâd, résidait en cette forteresse de Tasgedlt; une autre, Zelfa Bent Ouâd, en habitait une semblable sur les bords de l’Asif Marren, près de Teççaiout; la troisième, Stouka Bent Ouâd, une semblable encore à Taskout, sur l’oued Imini : en ces trois lieux se voient des ruives pareilles. »
« Les musulmans firent longtemps la guerre aux trois princesses et finirent par les chasser. Il est plus probable que les trois casbahs sont l’oeuvre d’un même sultan, celui sans doute qui construisit le pont de l’Oued Rbat.. »
Aujourd’hui, le douar qui accueille ces ruines se dénomme Tadoula, peut-être en lien avec la princesse Doula Bent Ouâd jadis y aurait résidé.
Coiffures des femmes des tribus Aït Atta
Patrimoine
Cette jeune femme des Aït Bou Iknifen de Ouaklim porte sur sa coiffure les deux parures en argent. Les fuseaux à très longs pendentifs-glands, appelés ici Tiqulalin, les petites cruches. Une ligne de pointillé noir suit sur le front le contour de la frange coupée courte, avec au centre un petit motif qui imite un pendentif suspendu à une chaîne. Des Tiqifit sont placés sous les yeux et sur l’arête du nez.
Une femme de la tribu des Ait Yazza, groupe des Aït Atta de l’Est. Cette femme n’a pas lésiné sur la laine pour épaissir ses tresses sur toute leur lougueur, ce qui donne à sa coiffure ampleur et cohésion.
Tikirt, la forteresse médiévale
Histoire
Tikirt était une cité d’une élégance architecturale spécifique. Les façades de ses châteaux en terre bâtis avec subtilité resplendissaient avec leurs motifs authentiques. Ses jardins abondaient de récoltes irrigués par de multiples canaux d’eau « séguias ». Les femmes de Tikirt vivaient en harmonie avec la prospérité et la magnificence de leur cité. Elles étaient habituées à être joliment parées d’une kyrielle de bijoux berbères : colliers d’ambres et de corail, bracelets, diadèmes, broches, pendants d’oreilles …
Les voyageurs étaient émerveillés par la splendeur de la cité de Tikirt comme en témoigne l’explorateur français René de Segonzac dans son œuvre Au cœur de l’Atlas, mission au Maroc, 1904-1905 : « Je n’ai rien vu dans tout le Nord de l’Afrique qui puisse être comparé à Tikirt. Ce n’est qu’une petite ville, mais ses hautes maisons lui donnent un singulier cachet de forteresse médiévale ».
Charles de Foucauld, lors de son séjour à Tikirt en 1888, raconte dans son ouvrage Reconnaissance au Maroc : « les montagnes tournent tout autour de notre pays disent les habitants de Tikirt. En effet, de quelque côté qu’on jette les yeux, on ne voit que massifs sombres. On distingue de Tikirt plusieurs sommets remarquables et plusieurs cols : Djebel Anremer, Tizi en Telouet, Tizi n Tichka, Tizi n Tamanat, Dejbel Tidili, Djebel Siroua. »
Origine du mot berbère
Etymologie
L’appelation berbère est communément rattachée au qualificatif latin Barbarus jadis utilisé par les Romains pour désigner tout peuple qui ignorait les coutumes et la culture gréco-romaines. Les Romains l’auraient eux-mêmes repris du lexique grec où le mot étranger, c’est-à-dire tous ceux dont on ne comprennait pas la langue, se disait βάρϐαρος – bárbaros.
Durant toute la période de l’Antiquité, les peuples berbères furent dénommés sous plusieurs formes : Mazices, Lebu, Numides, Maures, Gétules, Garamantes.
Ce sont surtout les arabes qui popularisent cette expression lors de leur arrivée en Ifriqiya (actuelle Tunisie) : les Roms désignaient les personnes de culture byzantinneen filition des cultures latines et chrétiennes, et le nom de Berbères était réservé à toute autre population vivanf en tribu, en zone rurale, la plupart païens à leurs yeux quoique certains reconnus comme judaïsés. Ibn Khaldoun rédige en 1375 une Histoire des Berbères dans le cadre de son grand ouvrage Le livre des exemples.
Les Européens utiliseront au 16ème siècle le terme Barbarie pour désigner les territoires situés sur les côtes atlantiques et méditerrannéenne au Nord du continent africain, entre le Maroc et la Lybie. Une autre expression était alors utilisée : la côte Barbaresque.
Après la chute de l’Andalousie en 1492 avec le prise de Grenade, les Maures, terme qui désigne les populations berbères de l’extrème-ouest du Maghreb, vont terroriser les côtes de la péninsule ibérique en s’organisant des activités de piratage. Les corsaires et pirates barbaresques auront leur heure de gloire avec la renommée durable de certains équipages.
Jusqu’au 19ème siècle, la Barabarie désigne les pays du Maghreb, soit le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et le Libye.
Les populations concernées, de toute époque, n’ont jamais utilisé le terme berbère pour se désigner mais plutôt l’appelation Amazighe, au pluriel Imazighen.
En savoir plus : Le Tifinagh, la singularité berbère gravée dans le temps
Taghonja, la fiancée de la pluie
Coutumes
Autrefois, les populations berbères d’Afrique du Nord célébraient un rituel pour faire venir la pluie lors des périodes de sécheresse persistante. La légende expliquait qu’il suffisait d’offrir une fiancée à Anzar, jadis Dieu du ciel, des eaux, des rivières, des mers, des ruisseaux, pour que sa clémence fasse jaillir les eaux bienfaisantes sur les terres desséchées.
La fiancée d’Anzar, ou Tislit n Anzar en amazighe, prenait alors la forme d’une poupée habillée en fiancée que l’on appelait Taghonja, du nom de la grande cuillère en bois utilisée pour puiser l’eau et qui servait ici de support au personnage.
Cette tradition persiste encore dans certaines régions. Le moment venu, les femmes décorent cette cuillère en bois des atours d’une fiancée et, accompagnées des enfants, marchent ensuite en procession dans les villages au rythme de chants, prières et invocations à la gloire de la pluie : « O Taghonja, O mère d’espérance ! O Dieu apporte la pluie » (A tggunja, A morrja ! A Rabbi auwi-d anzar).
La poupée joliment parée est aspergée d’eau au fur et à mesure du défilé et les femmes recueillent des aumônes (semoule, farine, viande, graisse …) afin de préparer un banquet final. Ce repas collectif est servi dans les sanctuaires, les lits de rivière, les aires à battre les céréales, le sommet d’une colline. La cérémonie se termine par une prière implorant le retour d’Anzar, dénomination amazighe du mot pluie, devenu pour l’occasion le Mari de Taghonja (Argaz n Taghonja).
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