L'oasis de Fint pour sudestmaroc.com

L’oasis de Fint racontée par ses anciens …

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Au fond d’une vallée creusée entre d’imposantes montagnes, un oued serpente entre les roches et déverse ses eaux plus en amont dans le lac d’Ouarzazate, le lac El-Manssour Ed-Dahbi. Ces eaux nourrissent des jardins d’où s’érigent de majestueux palmiers-dattiers cultivés depuis des temps anciens par les bras d’une population paysanne. C’est le petit village berbère de Fint et son oasis bienfaitrice.

Aujourd’hui, le village de Fint n’est plus l’oasis qu’il était ; le temps, les aléas du climat et les mouvements des populations n’ont cessé de la transformer. Ses vieilles ruines, ses champs, sa vallée semblent comme silencieux et endormis quand on les aperçoit pour la première fois mais ils renferment pourtant une longue histoire inscrite dans la mémoire collective et racontée par la voix plurielle de ses femmes et ses hommes. Une histoire collective transmise par l’oralité où le réel, le légendaire, le mythique se fusionnent, où les récits se tissent, s’entremêlent, s’oublient et se reconstruisent pour raconter au monde l’oasis de Fint.

Lhaj Elhassane Aghlane, né en 1933 est un des rares anciens de Fint encore en vie. Il témoigne de la vie tribale d’autrefois. Son récit ressuscite le passé vécu et le fait vivre aux travers des mots portant une forte charge émotionnelle imprégnée de nostalgie de ces temps où Fint

« vivait au rythme des saisons du labeur des hommes qui ne négligeaient pas la moindre parcelle de terre pour assurer leur subsistance. »

Lhaj Elhassane Aghlane
Lhaj Elhassane Aghlane

Fint, les origines d’une tribu amazighe

La majorité des familles de Fint serait venues, les unes après les autres, de la région du Drâa et des autres contrées du Sud-Est marocain notamment depuis la région de Tata, fuyant la sécheresse, les épidémies, la famine et les tensions tribales. Une communauté amazighe s’est sédentarisée dans ce lieu enclavé qui assurait alors des conditions de vie rudimentaires mais suffisantes grâce aux eaux intermittentes de l’Oued Fint.

«  Nous sommes  originaires d’Alougoum, de la région de Tata. Les autres familles de Fint ont afflué des autres régions. Une seule famille serait endogène ; c’est la famille Harbouli connue sous l’appellation Ait Baha Ali. »

Lhaj Elhassane Aghlane

Les premiers habitants s’étaient installés sur la rive nord de l’oued Fint. De modestes demeures en terre étaient construites à quelques mètres au-dessus de la vallée, sur le flanc du roc de Tassegdelte, à l’abri des crues dévastatrices qui inondaient l’oasis pendant les saisons des fortes pluies.

Depuis longtemps, seuls des habitants à peaux noires peuplent l’Oasis de Fint. Cependant, l’histoire orale évoque la présence d’une riche famille berbère de peau blanche qui avait quitté Fint depuis plus d’un siècle. Cette famille auraient des liens avec le saint Sidi M’hend Ou Moussa dont elle gérait le commerce jusqu’à son départ définitif de Fint à cause d’une vague invasion des moustiques.

Deux grands chefs de villages imposaient alors leur autorité sur Fint à l’époque du Protectorat français et du caidalisme au Maroc : l’amghar Hammou N’Ali Oubaha du village de Taherblit etM’hend Ou R’hou du village de Timoula. Tous les deux étaient des auxiliaires des caïds Glaoua qui dominaient le Haut Atlas et la région Sud-Est du Maroc

A cette époque, Fint n’échappait pas aux dictats du Caïd El Glaoui qui avait sa résidence officielle dans la casbah de Telouet. Les habitants de l’oasis étaient à la merci des spoliations de biens et de tout autre objet de valeur.

«  Les Iglioua (Glaoua en amazigh)  nous dépouillaient de nos biens ; champs, bêtes, burnous, djellabas, poignards en argent, chameau … Ils raflaient tout ce qui était à la portée de leur main. »

Lhaj Elhassane Aghlane

Les califats des Glaoua, notammentSi Mohamedétabli dans la casbah de Taourirte etOu-Tzggart dans celle de Tifoultoute, faisaient régner leur puissance absolue  sur les tribus. La corvée était obligatoire pour tous les garçons de plus de douze ans. Une corvée privée qui consistait en un travail d’assistance au moment des labours, des moissons ou de constructions au service des maitres Glaoua.

Lhaj Elhassane Aghlane

«  Un crieur ennoyé par le califat à Fint faisait publiquement un appel à participation à la corvée. Chaque homme de notre tribu devait assurer une durée de travail de quatre jours. Toute personne manquant à cette obligation devait payer une taxe ou se faisait confisquer un bien. Pendant les visites du Pacha Thami Elglaoui à Ouarzazate, on partait à son accueil, hommes et femmes habillés selon les coutumes des fêtes officielles dignes du rang du pacha, c’est-à-dire en djellabas blanches, turban et babouches pour les hommes ; tissu blanc clair agrafé sur l’épaule avec des fibules enjolivées de décors filigranés mêlés à d’autres types d’ornements, « leqtib » ou ce  foulard couleur vif rouge et jaune pour les femmes. On se contentait de quelques dattes comme nourriture. Toutes les tribus de Ouarzazate se rassemblaient dans la casbah de Taourirte ou séjourne le Pacha. On chantait et dansait Ahouach jour et nuit en l’honneur du Pacha durant tout son séjour. »

Lhaj Elhassane Aghlane
Oasis de Fint

Un mode de vie rustique dans une oasis séculaire

Depuis des siècles, les habitants de Fint cultivaient des parcelles de champs sur les rives de l’oued qui irrigue les vergers où poussent la vigne, les figuiers, les palmiers-dattiers, l’arbre providentiel par excellence… Les dattes constituaient un aliment principal qui assurait  la subsistance des familles surtout pendant les temps de disette.

Des traces confirment une présence séculaire de cette population dans l’oasis.

« Mon père est mort à l’âge de 110 ans. Il me racontait que depuis son enfance, le grand cimetière et une mosquée où prient plus de 400 hommes, existaient déjà. »

Lhaj Elhassane Aghlane

La population à peu noire, quoique vivante exclusivement à Fint, ne possédait pas une grande partie des terres agricoles cultivés sur son territoire. Les tribus berbères blanches voisines comme Taguenezalt et Ighelss en étaient les propriétaires. Les habitants de Fint y travaillaient seulement en tant que Khamass ou métayers en étant payés qu’au cinquième de la récolte.

Les temps étaient souvent durs à cause des sécheresses structurelles et des épidémies. Les habitants vendaient leurs terres pour survivre :

«  Nous vendions nos terres en contrepartie d’un bol d’orge. A l’époque il n’y avait pas de farine. On partait à Ouarzazate pour quémander un peu de farine en orge. On préparait une soupe avec des navets séchés cuits dans des marmites en terre.  Quant aux habits, il y en avait presque pas. On s’habillait de hardes raccommodées faites en un tissu américain usé. La nuit, on se couvrait de nattes en feuille de palmiers. Malgré ces conditions de misère, nous étions forts ; nous travaillions nos terres, nous gardions nos maigres troupeaux, nous cherchions du bois … »

Lhaj Elhassane Aghlane

A lire : La palmeraie de Skoura, l’oasis par excellence

Oasis de Fint

Au sein de la tribu de Fint vivaient aussi des familles juives. Comme Boubssou, Boutkjtatt, Ben Ouenza,… Ces familles  avaient un statut social relativement favorisé. Ils pratiquaient l’usure et le commerce.

«  Des familles juives habitaient à Fint. Les juifs étaient nombreux dans d’autres villages de Ouarzazate surtout Tazroute, Taourirte, Aouerz, Telmasla, Tamassinte, Tikirte … Ils étaient plus riches que nous. Les Caïds Glaoua les traitaient avec indulgence. »

Lhaj Elhassane Aghlane

Aux moments pénibles succèdent les temps de pluie qui arrosent les champs et nourrissent les rigoles, les vallées et les sources. Ces eaux réjouissaient les cœurs des habitants de Fint qui voyaient leur oasis renaitre ; la verdure couvrait les pâturages et tous les jardins se fructifiaient. La petite oasis dont l’économie reposait sur l’agriculture vivrière et sur le pastoralisme vivait soudainement des temps d’abondance :

« nous élevions des moutons, des bœufs, des vaches. Des fleurs poussent partout et des ruches de miel sauvages abondent dans les parages. Des cerfs s’aventuraient jusqu’aux villages. Des loups, des renards, des lièvres pullulent … »

Lhaj Elhassane Aghlane

En reconnaissance à Dieu de sa générosité, de ces temps d’abondance et ainsi fidèles à leurs coutumes ancestrales, les habitants de Fint organisaient chaque année une célébration coutumière : le Moussem de Sidi M’hend Ou Moussa descendants du célèbre saint du Sud marocain Sidi Ahmed Ou Moussa, dont la Zaouïa se trouve dans un village portant son nom, dans la commune de Tazeroualt, Province de Tiznit.

Cette cérémonie était célébrée le premier vendredi chaque année dans le mausolée de ce saint local.

Le Moqadem du mausolée, représentant local du pouvoir ou sorte de vicaire, gérait les biens du saint notamment des palmiers loués aux tiers, des bêtes vendues … Ces ressources constituaient une caisse propre au mausolée Sidi M’hend Ou Mouassa.

A la veille du moussemm, on annonçait à Ouarzazate le jour de l’organisation de la cérémonie à la connaissance des autres tribus. Une occasion pour célébrer l’ancrage de Fint dans ses traditions et le renouvellement de ses liens avec les autres tribus.

«  le Moqadem de la zaouïa enregistre toutes les ressources du mausolée dans un cahier. Nous envoyions des émissaires au souk hebdomadaire d’Ouarzazate pour annoncer le jour de l’organisation du moussem. Chaque famille de Fint cotise pour l’organisation de cette cérémonie. On achète une vache à sacrifier en offrande au saint. Un repas collectif est préparé ; des plats de couscous dits « maârouf » offerts généreusement à tous nos hôtes. Des tribus affluent de partout munies de chèvres et de moutons à sacrifier sur la tombe du saint. Elles  chantent la danse d’Ahwach toute la nuit. »

Lhaj Elhassane Aghlane

Ces temps sont révolus. Dans l’oasis de Fint, les porteurs de la tradition vivent sereinement le crépuscule de leur existence. L’histoire de Fint est plus qu’un souvenir. C’est devenu une part du patrimoine, de la richesse et de l’identité du Sud-Est du Maroc.

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2 commentaires
  1. L’oasis de Fint est un véritable paradis terrestre perdu. Cet endroit égaré cache un beau paysage mais sa valeur réelle réside dans son témoignage d’une époque coloniale. Ses habitants sont les plus sympathiques du monde. Les autochtones raconte l’histoire non pas des tribus seulement mais l’histoire du Maroc même. Le problème selon mon point de vue modeste est la négligence de cette zone (manque d’infrastructures et de soutien par les autorités locales et même nationales). En effet Fint reste la destination des touristes étrangers.

  2. L’oasis de Fint est pour le « voyageur pressé » un joli coup d’oeil à quelques kilomètres de Ouarzazate.
    L’oasis de Fint mérite que l’on s’y arrête plus longtemps, il y a quelques bivouacs et auberges.
    On peut y passer la journée et savourer l’oasis comme souvent au printemps les Ouarzazis viennent en familles y manger leur pique-nique au long de l’oued.
    Le lieu se prête à devenir exceptionnel s’il était mieux structuré et accompagné pour offrir aux visiteurs un niveau de qualité supérieur à celui actuel. Panneaux de signalisations et d’indications avec un plan de l’Oasis, toilettes, poubelles, lieu d’acceuil pour les personnes souhaitant une visite accompagnée. Au long de la route et de la piste, attendent les guides de l’oasis, chacun positionné au mieux de son ancienneté. Le visiteur à du mal à s’y promener seul, ce qui heurtent certains visiteurs. Chaque « faux » guide n’a pas la chance de pouvoir obtenir un badge de « guide des espaces naturels », et s’il l’obtient en général il part travailler ailleurs. Il est de toute NÉCESSITÉ d’ajouter aux diplômes du tourisme, un diplôme des Oasis, des kasbahs. Ce guide doit recevoir une formation de 2 ans avec un cursus de langues bien maitrisées et de connaissance historiques et naturels sur les lieux ou il va pouvoir travailler légalement. Cela ouvrira à ces jeunes des villages l’espoir de travailler légalement, avec une valeur ajoutée supérieur à celle d’aujourd’hui. Attention à ce que l’entrée à une telle formation soit aussi ouverte pour des jeunes qui n’ont pas tous eu la chance d’avoir une scolarisation très longue. Ce travail pouvant-être un revenu complémentaire à l’agriculture oasienne et à la survie de cette l’agriculture très fragile.

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