Malgré son jeune âge, Ali Ahdadi est la mémoire vivante de Telouet. Sa grande passion pour l’histoire locale et sa fréquentation des anciens du village font de lui une source orale rare qui reconstitue le passé humain, historique et culturel de sa terre natale.
Ce douar était alors un point de passage incontournable pour les anciennes caravanes commerciales qui traversaient alors le col de Telouet, Tizi N’Telouet. Telouet était aussi un point de passage des expéditions militaires comme celle menée par Ahmed El Mansour Eddahbi vers le Soudan en 1590.
A partir du 17ème siècle, l’arrivée des Glaoua dans la région fut un tournant de l’histoire de Telouet. Selon certaines sources, cette famille descend d’un marabout appelé Mohamed Ou Saleh originaire de la région d’Asfi et originaire de la dynastie Omeyyade. A leur arrivée à Telouet, les Glaoua y ont édifié une zaouïa. Ils distribuaient des indulgences et des bénédictions appelées la baraka et héritées de l’un de leur ancêtre. Une fois l’influence religieuse gagnée, leur ambition politique grandit.
Au 18ème siècle, le sultan Moulay Ismail accorde le titre de caïd au Glaoua pour contrôler la route des caravanes et en extraire le droit de passage. En 1893, le sultan Moulay El Hassane, encore appelé Hassan 1er, commandait une expédition militaire, une harka, vers le sud pour soumettre les tribus rebelles ou la dissidence du Bled Es-Siba. De retour, le sultan et son armée ont été surpris par les neiges à Telouat. El Madani El Glaoui organise une diffa, une grande réception en leur honneur. En reconnaissance de cette hospitalité, le sultan accorde à El Madani le droit de perception d’impôts sur les tribus environnantes et de prélèvement de taxes sur les caravanes de passage. Le sultan lui a fait également don d’armes et particulièrement un canon Krupp, exposé actuellement dans la casbah de Taourite. En 1908, El Madani El Glaoui est nommé ministre de la guerre, Ouazir Alharb.
L’expression Bled Es Siba qui désignait au Maroc l’espace où l’autorité du Sultan n’était pas reconnue, notamment au Moyen Atlas, dans le Haut Atlas et dans le Rif ; en opposition au Bled El Makhzen
La montée en puissance des Glaoua a ainsi fait de Telouet une résidence des nouveaux caïds et un poste de commandement du Sud. La construction de la casbah de Telouet, château des nouveaux seigneurs, a commencé au 18ème siècle avec un style architectural berbère.
Entre le 19ème et le 20ème siècle, le style oriental et espano-mauresque ont été introduits dans l’extension de la casbah. Elle était une institution de commandement à part entière et un lieu de vie seigneurial par excellence abritant une cour de justice, une prison, une résidence, une cour de festivités, une écurie … Le célèbre Lhaj Thami El Glaoui a lui aussi vécu dans la casbah de Telouet. Il fut un caïd d’une grande puissance économique depuis l’acquisition de nombreux biens terriens, la prise d’actions dans l’Omnium Nord Africain et à la CTM. Homme de goût raffiné, Lhaj Thami jouait au golf à Marrakech, collectionnait des tapis et des pierres précieuses. Il accueillait surtout des personnalités illustres comme le résident général Steeg, le sultan Sidi Mohamed, le 16 novembre 1931, Winston Churchill en 1937, le général Patton en 1942, Jacques Majorelle, Lyautey et tant d’autres.
Aujourd’hui la casbah succombe aux aléas climatiques et à l’oubli. Seules demeurent la résidence principale et ses quelques annexes, encore assez bien conservées, pour accueillir les regards curieux des visiteurs, leur dévoilant ainsi la finesse et la beauté du geste des artisans d’autrefois, le raffinement des anciens maîtres et le mode de vie d’une population qui n’est plus. Chaque coin de la casbah est une page de l’histoire humaine de Telouet d’autrefois et renferme entre ses murailles l’histoire de ces caïds dont l’histoire retiendra qu’ils étaient connus sous le nom des Seigneurs de l’Atlas.
Crédit Photographie : Abdellah Azizi
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6 commentaires
C’est navrant de lire que ces caïds étaient appelés “les seigneurs de l’Atlas”. Peut être confond-on seigneurie et mesquinerie ? Ceux qui ont subi leur terreur, savent qui étaient les vrais seigneurs de l’Atlas, ceux qui se sont battu pour un atlas libre. Mais c’est comme ça qu’on les récompense. Alors,pour que de telles ingratitudes ne dévisagent pas l’histoire, Si Ali a, bon gré mal gré, l’obligation morale de ne pas laisser l’héritage des ancêtres aux oubliettes.
Et merci Abdeljalil Didi pour cette article. Je connais Telouet, j’aime beaucoup ce grand village et j’aime beaucoup cette histoire !
L’Histoire avec un grand “H” est,elle même, un patrimoine à sauvegarder dans sa pureté et sa vérité sans fioritures. Est-il possible d’accéder aux écrits archivés, chez les descendants des différents acteurs des événements de l’époque ?
Quelle fiabilité accorder aux souvenirs de ceux qui nous rapportent les récits qu’ils ont reçus de leurs proches ?
Nos historiens ont déjà fourni des efforts louables, mais il y a encore du pain sur la planche !
Bonjour, Comment peut-on avoir connaissance d’un acte de naissance aux archives de la kasbah ? Merci
Un village parfaitement resté sans les progrès modernes. Sympathique et les gens très serviables et amicales. Merci spécialement à Ali Ahdadi
Edwin Suisse
Bonjour!
Je suis français et n’ai jamais voyagé au Maroc. Depuis peu, je m’intéresse à la vie de Thami el Glaoui.
Mais je voudrais savoir quelles sont les autres grandes familles qui vivaient à Telouet? Combien d’habitants aujourd’hui à Telouet? Quels sont les noms les plus répandus?