Dans le petit village de Tisselday, aux confins de l’Atlas et du désert, Ahmed Agouni a bâti bien plus qu’une maison d’hôtes. A partir d’Irocha, il tisse depuis vingt ans une hospitalité singulière où le voyageur entre en dialogue avec la nature, les cultures, les traditions… et le silence.
Il y a des personnes desquelles rayonne une énergie qui ne peut laisser insensible quiconque les rencontre. Elles ont la passion de l’accueil, la dextérité à procurer du bien-être et l’envie insatiable de partager les richesses de la vie collectées durant leur cheminement d’existence.
Il y a des lieux où brille un foyer invisible autour duquel on aime à se retrouver, des endroits quelque peu à l’écart du monde et de ses rumeurs où il fait bon séjourner, comme des refuges qui, le temps d’une halte, nous offrent l’environnement propice au repos et à la découverte.
Et il advient parfois que les trois se combinent – territoire, lieu et personne – pour qu’alors la magie du ressourcement procède de leur symbiose.
Ici au village de Tisselday, dans la vallée d’Imini qui s’étend sur le versant sud de l’Atlas, Ahmed Agouni et sa maison d’hôte Irocha nous invitent à cette expérience.

Tisselday, le lieu racine
Tisselday est un mot de la langue amazighe qui se rapporte à l’outil utilisé jadis par les femmes de la région pour tendre entre les montants verticaux du métier leur tapis alors en cours de tissage. Ahmed est originaire de ce village. Enfant, il a arpenté les montagnes environnantes et s’est laissé captiver par ces pierres aux couleurs bigarrées, au point de s’orienter vers des études universitaires de géologie. A partir de 1994, il se prend de passion pour les artisanats traditionnels et s’exerce à la fabrication des instruments de musique et des mobiliers en peau de chèvre. Installé sur Essaouira où il ouvre un petit bazar, il rencontre sa compagne Catherine et ensemble ils décident de se lancer dans l’activité du tourisme alors émergeante et pleine de potentialités dans cette région sud-est du Maroc encore peu visitée.
C’est tout naturellement qu’il revient sur ses terres natales en 2000 pour y poser les premiers jalons d’un projet d’hébergement. Il construit ainsi une maison en pierres et en terre, nichée sur le haut d’un rocher qui surplombe la vallée. Aujourd’hui le lieu a l’âge de sa maturité et l’on ressent dès l’entrée la patine chaleureuse du temps. La nature s’y est déployée et la maison est pourvue d’une dizaine de chambres, d’une piscine, d’espaces de restauration et une terrasse ouvre sur le ciel et les imposantes montagnes de l’Atlas, offrant au résident de passage le sentiment fébrile d’être comme un aigle sur le point de s’élancer vers ces vastes horizons.

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Il y a quelque mois, la maison Irocha s’est dotée d’un service de soins du corps avec l’ouverture d’un hammam et d’une salle de massage. Et plus récemment une grande salle a été aménagée dans l’ambiance chaude et apaisante de boiseries et de vitraux pour accueillir des activités de découverte culturelle, d’expression corporelle et de méditation.
Au fil des ans, Ahmed a vu combien les voyageurs aimaient séjourner dans sa maison, prenaient plaisir à le suivre dans des randonnées pédestres sur les flancs des montagnes ou bien entre les dunes du grand désert du Sahara, combien ils appréciaient l’entendre raconter l’histoire foisonnante de cette région, leur faire découvrir tous les trésors naturels dont elle regorge, tous les savoir-faire ancestraux des artisans.


L’envie d’accueillir autrement
Mais en dépit de cette satisfaction, Ahmed ressent en lui le besoin de faire évoluer sa pratique du métier d’acteur touristique, fort d’une double expérience patiemment constituée au fil des années.
En effet aujourd’hui il comprend plus finement qu’auparavant ce que le voyageur recherche en venant jusqu’ici et inversement il discerne plus clairement ce peuvent apporter à ce voyageur son village, sa maison d’hôtes Irocha mais encore l’ensemble des territoires du sud-est marocain avec toutes les facettes de culture et de traditions des communautés humaines qui les composent.
Certes ce voyageur est alors en vacances et puisqu’il a quitté pour un moment le monde effréné et la vie éreintante dans lesquels il vit, son besoin premier est de l’ordre de la détente, du loisir, d’un bien-être retrouvé. Tout cela, Ahmed sait le lui procurer dès l’instant où il l’accueille chez lui à Irocha. Mais il a compris que certains de ces voyageurs sont en recherche de quelque chose de plus, quelque chose de nouveau qui fera qu’ils retourneront chez eux différents, comme enrichis d’une découverte, d’un apprentissage, d’une compréhension ou alors comme apaisés, soulagés d’une pression, d’un fardeau, d’une souffrance.
Et c’est à ces voyageurs là qu’Ahmed veut désormais se consacrer.
L’alphabet universel des vertus essentielles de la vie
Il souhaite leur proposer davantage qu’un simple séjour mais bel et bien une découverte sensible au cœur même de l’identité naturelle et culturelle de sa région.
Ici dans la région sud-est, et comme nulle part ailleurs au Maroc, les paysages se déploient dans toute leur beauté et leur diversité. Depuis les cimes ou les flancs des montagnes de l’Atlas jusqu’aux sables envoutants du Sahara, en passant par les vallées verdoyantes du Drâa, du Dadès ou du Ziz avec la succession de leurs oasis de palmiers dattiers et leurs jardins d’oliviers, d’amandiers ou de figuiers, l’étal serein des roches sur des plateaux sans fins, tout est pour le voyageur source d’apaisement et d’émerveillement.

L’urbain à peine se distingue, comme intimidé par la majesté de la Nature. C’est pourquoi l’humain y a posé sa présence discrètement se réunissant dans des petits villages avec ces maisons si typiques en terre ou en pierre.
Ici c’est le Maroc rural, le berceau historique de la dynastie royale du pays, l’un des visages, multiséculaire, de son amazighité, le terreau de nombre de ses artisanats. C’est un monde où les traditions les plus anciennes encore se perpétuent au travers de gestes simples, quotidiens, ou bien dans des rendez-vous communautaires où le temps aime à se voir suspendu, un monde où les familles prennent un vrai plaisir à se retrouver lors des souks hebdomadaires.

La vie pourtant y est rude, tout comme le climat. Face aux adversités de l’existence, le marocain du sud-est a développé un sens aigu de la résilience, faite de sobriété et de simplicité, le sourire aux lèvres et la main ouverte vers l’autre, l’œil rivé sur les cieux d’où forcément viendront la miséricorde comme la providence. Le temps n’est pour lui jamais un rival, la patience va de soi, l’humilité s’impose devant l’insondable mystère de la vie et le peu toujours se partage avec le visiteur qu’on accueille.
Tout cela, Ahmed le connait comme le fond de son propre cœur et il a compris combien ici, au sud-est du Maroc, une alchimie singulière entre l’humain, la Nature et le temps fait résonner l’alphabet universel des vertus essentielles de la vie.
Depuis Irocha, Ahmed désormais propose au visiteur bien plus qu’une seule hospitalité mais une invitation à s’en aller à la rencontre de ces vertus vivifiantes, pour en partager la saveur et les bienfaits.
Une invitation à prendre le temps de se reconnecter à cet essentiel, aux autres et donc à soi.
Crédit Photographie : Abdellah Azizi
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