L e monde berbère est comme un monde en soi, plein et vaste d’une histoire qui plonge dans les lointains passés de notre humanité, riche et coloré d’une identité matinée de ses racines aux trois horizons, solide, quasi minéral, et pourtant vibrant des multiples résonnances de sa culture. Il est aujourd’hui reconnu que l’amazighité est partie intégrante de l’identité Maroc, à tout le moins de son unité, tel que le stipule clairement la nouvelle Constitution de 2011.
Sudestmaroc.com vous emmène à la découverte de ce monde amazighe en entamant un premier trajet avec l’observation de sa culture sous le regard d’une personnalité à la fois experte et passionnée de son sujet. Le Dr Mohamed Chtatou répond ainsi à nos questions.
Mohamed Chtatou – Le Berbère, auto-nommé Amazigh – au pluriel Imazighens – est l’un des descendants des habitants pré-arabes d’Afrique du Nord. Aujourd’hui, les Berbères vivent en communautés dispersées à travers le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Égypte, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Ils parlent plusieurs langues amazighes appartenant toutes à la famille afro-asiatique apparentée à l’ancien égyptien. Ces populations berbères sont présentes dans cette région continentale depuis le Paléolithique supérieur.
Le Paléolithique supérieur est la période de la Préhistoire caractérisée par le développement de certaines techniques (lamelles, outils et armes en matières dures animales, propulseur, etc.), tandis que se manifeste au même moment une explosion de l’art. Le Paléolithique supérieur s’étend entre environ 45 000 et 12 000 ans avant le présent. (Source : Wikipedia)
La population indigène de l’Afrique du Nord s’est constituée par l’arrivée de plusieurs vagues de personnes, certaines venant d’Europe occidentale, d’autres d’Afrique subsaharienne et d’autres encore d’Afrique du Nord-Est.
Les origines des peuples berbères ne sont pas clairement connues mais leur histoire est longue et ancienne, dont une grande partie nous est méconnue parce que ces peuples n’avaient alors pas de langue écrite. Le premier indice de leur histoire a été la découverte de peintures rupestres. En effet, des peintures rupestres nord-africaines vieilles de 12 000 ans ont été repérées à Tadrart Acacus, en Libye. Nombre de ces peintures représentent des activités agricoles et des animaux domestiques. Des peintures ont également été trouvées au Tassili n’Ajjer, dans le sud-est de l’Algérie.
À partir de 2000 avant J.-C. environ, les langues berbères se sont répandues vers l’ouest, de la vallée du Nil jusqu’au Maghreb, en passant par le nord du Sahara. Au premier millénaire avant Jésus-Christ, leurs locuteurs étaient les habitants natifs de la vaste région visitée par les Grecs, les Carthaginois et les Romains. Une série de peuples berbères – Mauri, Masaesyli, Massyli, Musulami, Gaetuli, Garamantes – ont ensuite donné naissance à des royaumes berbères sous influence carthaginoise et romaine.
Parmi ces royaumes, la Numidie et la Mauritanie ont été officiellement incorporées à l’Empire romain à la fin du IIème siècle avant J.-C., mais d’autres sont apparus à la fin de l’Antiquité à la suite de l’invasion vandale de 429 après J.-C. et de la reconquête byzantine (533 après J.-C.) pour être supprimés par les conquêtes arabes des VIIème et VIIIème siècles après J.-C.
MC – On peut distinguer deux principales cultures berbères : celle du nord, dans les contrées bordant la Méditerranée, et celle du sud dans le Sahara et le Sahel.
Les Berbères du Nord on reçu la dénomination d’Imazighens et ceux du Sud de Touaregs. Les Imazighens sont surtout sédentaires avec une minorité nomade et les Touaregs sont surtout nomades. Les Imazighens se trouvent depuis la vallée de Siwa en Egypte jusqu’aux Iles Canaries en passant par la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. Les Touaregs au Mali, Niger et une infime partie au Burkina Faso.
Tout d’abord, la communauté berbère traditionnelle a pour unité de base la famille nucléaire, généralement patrilinéaire. Partant de cette unité, le groupe tribal se compose par la réunion de plusieurs familles réunies autour du nom d’un ancêtre commun. C’est d’ailleurs à partir de ce nom fondateur que les tribus se dotent d’une identité publique. Elles utilisent l’appellation Aït, qui signifie peuple ou famille, suivie du nom de l’ancêtre commun.
En principe, toutes les familles au sein d’une tribu sont égales, régies par un code d’honneur sous l’autorité d’un conseil des anciens, la jmāʿah (entité politique élue démocratiquement) qui maintient la concorde au sein de la communauté et acte des jugements en cas de conflits, notamment pour fixer des compensations et déterminer des punitions.
En fait, les différentes sociétés berbères n’étaient pas si égalitaires. La tribu admettait régulièrement au sein de son village l’arrivée des nouvelles personnes, mais elles étaient alors considérées comme inférieures. Plus généralement, les anciens qui détenaient le pouvoir étaient souvent issus de mêmes familles dirigeantes.
Les Touaregs, un peuple de nomades aristocrates
Les Touaregs de l’Ahaggar et du sud du Sahara, également appelés « hommes bleus » en raison de leurs robes et de leurs voiles de visage teints à l’indigo, étaient des nomades aristocrates qui régnaient sur des vassaux, des serfs et des esclaves qui cultivaient les oasis en leur nom ; ils reconnaissaient à leur tour des chefs suprêmes ou des rois, qu’on appelait amenukals. Les Touaregs ont conservé une forme de l’ancienne écriture consonantique libyenne sous le nom du Tifinagh, bien que la plupart des écritures soient faites en arabe par une classe d’érudits musulmans.
On peut distinguer trois thèmes principaux dans la culture amazighe qui constituent une trinité importante et primordiale dans son système des valeurs. Ces thèmes ont transcendé la culture berbère et ont été largement acceptés comme des concepts de base de l’identité marocaine.
La trinité en question s’articule autour des notions suivantes : en premier lieu, on distingue l’importance de la langue comme véhicule de la culture et marqueur principal de l’identité (tamazight/awal) à la fois sur le plan de la communication et de la perpétuation de l’histoire. Ensuite il y a l’omniprésence du système fort et indivisible de la parenté et de l‘appartenance à la famille étendue (ddam/tamount) qui s’exprime par la solidarité et la coexistence. Enfin, il y a la forte connexion à la terre et l’identification avec ses bienfaits et la croyance en sa sacralité (akkal/tammourt/tamazirt) ; ce dernier marqueur identitaire est très fort chez d’autres peuplades du pourtour méditerranéen.
Le thème le plus évident, qui est présent dans la communauté amazighe au Maroc, est l’importance de la langue dans la société, la civilisation et le vécu. Quand on contemple la culture du peuple amazigh, il y a une corrélation claire entre la pertinence de la langue et la préservation de la civilisation et des traditions millénaires. C’est le cas pas exemple des Maitres Musiciens Jahjouka au nord-est du Maroc. Leur musique de transe et leur théâtre anthropologique a traversé quatre mille ans d’histoire sans égratignure aucune.
L’histoire et le système de croyances du peuple amazigh ont été préservés de façon orale de père en fils ; où une génération transmettait l’histoire, la sagesse et les lois à une autre, de façon automatique par le biais de la langue maternelle, puissant véhicule linguistique. En réalité, malgré l’existence de trois dialectes amazighes distincts au Maroc, l’histoire et les lois du peuple amazigh se sont synchronisées et ont survécu à d’innombrables invasions à travers une longue histoire de huit milléniums.
La matriarche comme personne-pivot de la famille amazighe
Cependant, l’idée de parenté qui se manifeste à travers des personnes liées par le sang, le vécu et l’histoire accuse une distinction pertinente entre la culture amazighe et marocaine dans le sens que le système communautaire amazigh met l’accent sur la notion de la matriarche comme personne-pivot de la famille imprégnée de valeurs démocratiques, alors que la culture marocaine, de substrat arabe, préfère une patriarchie, très forte et sans partage.
Chez les Amazighs, les liens de sang sont sacrés dans le mariage, dans la paternité et les appartenances familiales. En effet, deux tribus signent leur alliance par un mariage. Le sang, dans le contexte du sacrifice, est aussi signe de réconciliation, de demande de pardon et de respect (tagharst). Il est aussi le symbole d’hospitalité, on égorge un mouton pour souhaiter la bienvenue à un invité ou un étranger quelconque parce que faire couler du sang, c’est établir un lien de respect avec le nouveau venu et l’inclure dans la société, la jma’ath.
La terre, un bien sacré
Les Amazighs considèrent la terre comme un bien sacré qui, non seulement soutenait la vie, mais fournissait une protection contre les campagnes impérialistes occidentales et arabes et qui contribuaient, aussi, à préserver la langue et le système communautaire. D’ailleurs la vente de tout lopin de terre hérité a été une notion fortement stigmatisée (hchouma) dans la culture amazighe de toujours.
La civilisation amazighe a survécu à l’usure du temps et des cultures envahissantes grâce à l’amour infini que les autochtones de l’Afrique du Nord portent à la terre qui les nourrit, les protège et les fortifie. On peut aussi constater que l’amazighité est parvenue à défier le temps parce que les montagnes (akkal) l’ont protégé contre l’acculturation et l’invasion.
L’amour des Amazighs pour la terre se manifeste dans l’agriculture et lors des fêtes de célébration de ses bienfaits pour la communauté. On retrouve de telles célébrations chez les anciens amazighs des Jbalas, en particulier le clan des Aït Serif avec leurs musiciens les plus anciens de la Méditerranée, les Jahjouka, qui célèbrent la fertilité de la terre en musique et en danse durant leur festival annuel connu sous le nom de Boujloud en arabe et Bou Irmawen/Ilmawen en tamazighte.
MC – L’histoire des Berbères vivant aujourd’hui au Maroc, en Tunisie, en Algérie, en Libye et en Égypte, est profondément marquée par la domination de groupes de populations venues d’ailleurs – d’abord par les Romains, puis par les Arabes, et plus tard par les Français, les Espagnols et les Italiens.
« Adaptation et rébellion » – telles étaient les seules options qui s’offraient aux Berbères sous la domination étrangère. En tant qu’hommes libres, comment le terme Imazighens peut être traduit en français, ils ont pour la plupart opté pour la non-adaptation et se sont retirés dans les régions montagneuses pour pratiquer leur culture dans leur famille et échapper aux poursuites des dirigeants étrangers.
Les tatouages étaient un des moyens de rébellion. Les signes et les ornements qui décorent le dos des mains des hommes parlent de l’appartenance tribale et de la religion – et ils étaient interdits sous la domination musulmane.
Pour contrer son assimilation face aux cultures des peuples conquérants, les Berbères ont pu assurer leur propre continuité culturelle à travers l’histoire grâce à leurs arts et les symboles identitaires qui ainsi se véhiculaient. La musique a bien évidemment joué un rôle important. L’ancienne culture berbère est extraordinairement riche et diverse, avec une variété de styles musicaux. Ceux-ci vont de la cornemuse et du hautbois (style celtique) à la musique pentatonique (rappelant la musique chinoise), tous combinés à des rythmes africains et à un stock très important de littérature orale authentique. Ces traditions ont été maintenues en vie par de petits groupes de musiciens qui se déplacent de village en village, comme ils le font depuis des siècles, pour animer les mariages et autres occasions sociales avec leurs chansons, leurs contes et leurs poèmes.
La mère, vecteur de la continuité culturelle berbère
Les mères berbères ont été largement responsables de la survie de la langue et de l’identité culturelle berbères. Les mères partagent les histoires et les croyances traditionnelles avec leurs enfants. Les femmes préservent également les traditions culturelles par le biais de l’artisanat, comme la tapisserie, les bijoux, les tatouages et la poterie.
Les femmes rurales, en particulier celles qui sont analphabètes, préservent le tamazight comme une langue vivante, en insufflant aux formes d’art traditionnelles une certaine oralité pour transmettre les traditions linguistiques de génération en génération. Dans le domaine de la musique et de la poésie, les femmes amazighes utilisent leurs vers pour tenir la communauté informée des mouvements des différents membres, pour raconter les événements importants, pour faire respecter les codes moraux et sociaux, et pour rappeler à la communauté élargie les liens qui les unissent et leur mémoire commune.
MC – Bien que les anthropologues disent qu’il est difficile d’établir avec précision les éventuelles racines historiques du Nouvel An berbère, connu sous le nom de Yennayer. Certains historiens le relient à l’intronisation en tant que pharaon du roi amazigh Chachnak après avoir vaincu Ramsès III, en 950 avant JC. Les Amazighs ont ainsi réussi à établir un royaume qui s’étendait de la Libye jusqu’à l’Égypte. Cette glorieuse victoire aurait marqué le début du calendrier amazigh.
Le Nouvel An amazigh marque le premier jour de l’année agricole pour les communautés berbères. Il correspond au premier jour du mois de janvier dans le calendrier julien. L’année 2020 correspond ainsi à l’année 2970, et le jour du nouvel an se situe autour du 12 janvier de notre calendrier habituel. Les Berbères appellent parfois cette fête « Id Suggas« , ce qui signifie « nuit de l’année ». Et les communautés arabes l’appellent « Hagouza », qui signifie « Année agraire ».
Le calendrier julien : est un calendrier solaire utilisé dans la Rome antique, introduit par Jules César en 46 av. J.-C. pour remplacer le calendrier romain républicain. Il a été employé en Europe jusqu’à son remplacement par le calendrier grégorien à la fin du xvie siècle. Il existe un décalage de 14 jours entre le calendrier grégorien et le calendrier berbère.
Le peuple berbère célèbre Yennayer au Maroc, en Libye, en Tunisie et dans certaines parties de l’Égypte. Le gouvernement algérien le reconnaît comme une fête nationale. Au Maroc, de nombreuses personnes travaillent pour que Yennayer soit également reconnu comme une fête nationale.
En tant que fête agricole, Yennayer est une célébration de la vie. Comme la fête du 1er janvier, c’est un moment où les gens font des vœux de longévité, de prospérité et d’avenir. C’est un jour propice aux mariages et à d’autres événements importants de la vie. Les enfants passent par d’importants rites de passage lors de cette fête de Yennayer. Les garçons peuvent recevoir leurs premières coupes de cheveux. Et les parents envoient leurs enfants chercher des fruits et des légumes.
La nourriture occupe une place importante dans la célébration et plusieurs plats sont traditionnellement servis lors de cette journée spéciale. L’orkimen est une soupe épaisse à base de fèves sèches et de blé. Le couscous est un autre plat traditionnel, et à Yennayer, il est spécialement préparé avec sept légumes. Le Tagoula est lui un repas de grains de maïs préparé avec du beurre, du ghee, de l’huile d’argan et du miel.
Une graine de datte ou un morceau d’amande peut être caché dans le Tagoula ou le couscous. Celui qui trouve la graine ou la noix est censé être béni tout au long de l’année. Autrefois, on confiait à cette personne les clés de la salle de stockage pour le reste de l’année.
Il existe également de nombreuses traditions et pratiques étonnantes qui accompagnent la nourriture que les Amazighs préparent pour cette nuit de fête. Outre les danses et les chants spéciaux d’amour, de fertilité et de prospérité, qui accueillent une nouvelle année agraire, les Amazighs, en particulier ceux qui vivent à la campagne, trouvent en cette occasion une meilleure chance de socialiser, d’échanger de la nourriture et de se réconcilier avec ceux avec qui ils ont eu quelques malentendus.
MC – L’oralité des femmes, pour la plupart d’entre elles analphabètes, est un facteur majeur dans la survie du tamazight, car elles utilisent cette langue dans la communication domestique, élevant enfants, et en répétant des histoires folkloriques, des poèmes, des proverbes, des chansons et des histoires familiales et culturelles. Le tamazight et les langues amazighes apparentées n’étant pas enseignées à l’école publique, il incombe aux femmes amazighes d’en transmettre la connaissance aux générations suivantes. Et en tant que principales personnes s’occupant des enfants, les femmes sont le premier lien des enfants avec le tamazight, ce qui confère à la langue son statut de langue maternelle et consolide sa longévité malgré son manque de représentation dans la sphère publique.
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Une autre raison pour laquelle les femmes peuvent être considérées comme les principaux acteurs de la préservation du tamazight se trouve dans leur rôle connexe de gardiennes de la culture. En plus de gérer leur foyer et d’élever leurs enfants, les femmes jouent un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine artistique et culturel amazigh grâce à leur travail dans des domaines tels que le textile, la musique, la poésie et la danse.
Là encore, les femmes sont particulièrement importantes car elles insufflent à ces arts des traditions transmises oralement de génération en génération. Par exemple, les femmes donnent des noms tamazight aux motifs de leurs textiles et les transmettent à leurs filles. Les noms varient en fonction de la similitude que le tisserand imagine entre le motif et les objets environnants ou le monde naturel, de sorte qu’un même motif peut porter une multitude de noms tamazight descriptifs pour différents artistes et familles.
Les tapis amazighs marocains sont uniques et ont une histoire fascinante. C’est l’un des styles de tapis d’art populaire les plus célèbres. Ces tapis ont été fabriqués en continu depuis plus de deux millénaires. Le tissage des tapis marocains a toujours été sous la responsabilité des femmes amazighes à la fois sur le plan de la création, du tissage et de la représentation artistique.
Les femmes étaient chargées de conserver et de transmettre les connaissances nécessaires à la fabrication de ces tapis, notamment les secrets des motifs familiaux, les techniques de bouclage et les couleurs à utiliser. Toutes ces connaissances sur l’histoire du tissage des tapis amazighs étaient transmises de façon matrilinéaire, chaque génération de femmes étant chargée de les transmettre à la suivante. Les tapis étaient utilisés au sein des groupes tribaux comme couvertures de maison, couvertures de chevaux, étendards, drapeaux et autres objets utilitaires.
MC – Même s’ils ont conservé la langue et bon nombre des coutumes de leurs ancêtres berbères, les Touaregs ont développé une culture unique qui leur est propre, une véritable synthèse de nombreuses traditions, y compris non seulement berbères et arabes, mais aussi des éléments de peuples indigènes qui résident au Sahel.
Une aura de mystère et de romantisme entoure les nomades du désert connus sous le nom de Touaregs. Longtemps connus comme guerriers, commerçants et guides compétents dans le désert aride et rude du Sahara, les Touaregs voient leur indépendance gravement menacée par les sécheresses répétitives qui tuent leurs troupeaux et par les frontières internationales qui limitent considérablement leurs déplacements. Beaucoup ont été contraints d’abandonner leur mode de vie nomade et de se sédentariser, formant de petits villages ou se déplaçant vers les villes pour y trouver du travail.
Les Berbères ont jadis cherché refuge dans les oasis du Sahara
Le peuple touareg représente une ramification saharienne des Berbères, qui résident en Afrique du Nord depuis plusieurs millénaires. Alors que les Touaregs d’aujourd’hui sont nominalement musulmans, leurs ancêtres ont fui vers le désert du Sahara pour éviter de se soumettre aux conquérants arabes et de se convertir à l’Islam. Suite aux conquêtes arabes au VIIe siècle après J.-C., puis aux immigrations de Bédouins en Afrique du Nord au XIe siècle après J.-C., de nombreux groupes de Berbères ont cherché refuge dans les oasis du Sahara. Ils y adoptent un mode de vie nomade et prédateur, calqué sur celui de leurs envahisseurs.
Ces pasteurs nomades habitent une région d’Afrique du Nord qui s’étend du centre de l’Algérie et de la Libye au nord au nord du Nigeria au sud, et de l’ouest de la Libye à l’est jusqu’à Tombouctou, au Mali, à l’ouest. On estime aujourd’hui à 1,3 million le nombre de Touaregs, dont la plupart vivent au Mali et au Niger.
La société touareg est traditionnellement féodale, avec cinq castes : les nobles, les vassaux, les hommes saints, les artisans et les ouvriers (anciens esclaves). Les Touaregs sont traditionnellement monogames et ont un système d’héritage matrilinéaire. En cela, ils se distinguent nettement de leurs parents berbères, des Arabes et de la plupart des autres peuples subsahariens.
Les cultures qui composent le Maroc sont inextricablement liées. Mais la culture amazighe est cependant l’élément central du mode de vie et du système de croyances populaires dominants au Maroc. On peut citer comme exemple la Twiza, ou réseau de soutien communautaire, qui est à la base un concept amazigh mais qui est devenu le fondement de la structure sociale contemporaine du Maroc.
Au Maroc, les coutumes et les systèmes de croyance amazighs sont au cœur de l’Islam populaire, y compris le soufisme tel que pratiqué par les musulmans sunnites maliki.
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Les relations entre l’Islam et les Amazighs au Maroc se renforcent mutuellement. L’islam constitue la tradition religieuse des Amazighs. Les Amazighs colorent à leur tour la tradition avec leurs langues, coutumes et croyances locales, dont certaines sont antérieures à l’Islam. Ainsi l’ancienne croyance animiste des Amazighs dans la signification religieuse des saisons a gagné une couche supplémentaire de signification islamique lorsque les disciples marocains (sing. mourid, pl. muridoun) de l’Amazigh soufi Sidi Harazem ont associé le miracle (karamah) du printemps à cet Ami de Dieu. Le mysticisme islamique populaire, ou soufisme, au Maroc reconstitue les phénomènes religieux préislamiques par le biais d’un médium théologique islamique. Les Amazighs awliya’ Allah, ou Amis de Dieu, font le travail crucial de localiser la tradition islamique dans leur contexte linguistique et religieux amazigh. L’islam soufi populaire au Maroc est donc une tradition qui valorise à la fois le contexte culturel amazigh local et la tradition islamique.
Il ne faut pas oublier que les Amazighs sont les premiers habitants du Maroc. Ils ont continuellement vécu dans ce pays pendant plus de cinq mille ans. La relation entre la culture amazighe et la société marocaine est donc naturelle. Les croyances et les modes de vie des premiers habitants du Maroc sont donc bien au cœur de la culture marocaine contemporaine.
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Mohamed Chtatou est professeur de “communication d’entreprise” à l’Université internationale de Rabat (UIR) et de “pédagogie” à l’Université Mohammed V de Rabat. En outre, il est actuellement analyste politique auprès des médias marocains, américains, arabes, français, italiens et britanniques sur la politique et la culture au Moyen-Orient, l’islamisme et le terrorisme religieux. Il est également spécialiste du soufisme et de l’islam politique dans la région MENA et s’intéresse aux racines du terrorisme et de l’extrémisme religieux.
4 commentaires
Merci pour cet article et éclairage sur les populations Berbères.
Article captivant pour les voyageurs qui découvrent nos contrées de l’Atlas, des oasis et du désert.
Intéressant également pour ceux qui vivent ici et qui recherchent une meilleure compréhension des origines Amazighs liées à l’histoire et un liens avec les gravures rupestres du Drâa et de l’Atlas, puisque s’y superposent des inscriptions berbère libyco tifinagh qui mériteraient des recherches approfondies.
Tanmmirt nnun iggutn bahra.
Très intéressant à tous les niveau . Merci
j’ai vraiment adoré, vous m’avez emmené dans un voyage spirituel et culturel en découverte de mes origines amazighs dont je suis tellemnt fière. Merci