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La tradition orale raconte qu’il abrite le corps d’un défunt saint nommé Yaâcoub ou Jacob dont on ignore les origines. De tout temps, les communautés de confession musulmane et juive le vénèrent.
Selon la coutume, des femmes des villages voisins ou de passage s’arrêtent au pied de ce mur pour s’adonner à un rituel intercesseur propre à la communauté féminine. Elles glissent quelques cailloux dans les fentes qui séparent les différentes pierres du mur. Puis y déposent leurs lamentations et leurs vœux le plus souvent sous la forme de prières chantées.
Enfant, j’accompagnais ma mère à son village natal de Tazroute. Des visites familiales régulières qui me remplissaient de joie quoique la distance à parcourir à pied fut épuisante. Nous marchions plus de trois kilomètres.
A lire : La casbah de Telmasla racontée par ses anciens
Je me souviens comme si c’était hier des femmes sur cette piste en terre tracée par les pas répétés. Ces femmes marchaient toujours portant un panier, un bol sur la tête, un fagot d’herbe ou un enfant accroché à leur dos, d’autres courbées sous le poids de cruches à transporter des heures durant. Des mères emportaient avec elles leurs enfants aux corps maigres vêtus de robes inlassablement raccommodées, leurs touffes de cheveux comme des crêtes au sommet des crânes rasés et tannés par le soleil.
Ma mère ne manquait jamais le rituel de se recueillir contre le mur du Moulay Yâacoub, à l’instar des autres pèlerines qui venaient, du matin au soir, se lamenter auprès de ce saint comme pour y déposer leur ardente et secrète tristesse.
Pour toutes ces femmes, ce lieu était comme un refuge. Elles implorent son hôte dans leurs moments de désespoir avec une profonde espérance qu’il viendrait les soulager.
Je les vois réciter un chapelet de paroles à peine audibles et vagues. Des mains posées doucement sur le pan du mur. Les langues alors se délient et les cœurs s’ouvrent.
Toutes ces femmes, venaient-elles pour célébrer chacune les obsèques de leurs jours et de leurs espoirs, confier leurs malheurs à ces murs muets ? Tant de larmes sont tombées ici, comme des gouttes d’une pluie incessante et silencieuse. Elles résonnent encore dans le temps, dans les puits de nos mémoires.
Des femmes sont parties pour toujours, d’autres ont vieilli. Et moi j’ai pris de l’âge au fil des saisons. Mais de tout ce temps, j’ai gardé ces souvenirs d’enfant.
Comme autrefois, je suis venu récemment rendre visite à ces murs délabrés pour raviver ce fragment de mon enracinement.
J’ai reconnu le visage familier d’une de ces femmes pourtant sculptée par des rides, le corps courbé par la vieillesse. Cette fidèle voisine de la dernière demeure de Moulay Yaâcoub me confia à son tour :
Moulay Yaâcoub, le confident, le protecteur, le sauveur, le guérisseur, le miraculeux … mais aussi une simple ruine en terre qui se dresse obstinément au pied du rocher. Nos mères lui avaient confié leurs secrets les plus intimes, ceux que l’on garde dans des amulettes et autres talismans. Leurs cœurs y sommeillent toujours.
Sur ces murs, elles ont pleuré, et leurs larmes coulent comme si leur débordement était un coucher de soleil.
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