Le Maroc face au défi d’un tourisme vert, culturel et éthique

Volet 1 – La pandémie et le confinement qui en découla ont profondément bouleversé l’économie du tourisme alors florissante sur l’ensemble de la planète et notamment au Maroc où l’année 2019 aura vu un score historique de 12,9 millions de touristes accueillis dans ses territoires. Sur cette même année, ce secteur économique fournissait au pays 750.000 emplois directs et plus de 2,5 millions indirects. Depuis, toutes les activités sont à l’arrêt et la reprise est encore pleine d’incertitudes. Pour mieux comprendre les enjeux de ce secteur vital pour l’avenir du Maroc, Sudestmaroc.com a voulu recueillir l’avis de français vivants au Maroc et engagés dans le tourisme. Aujourd’hui, la parole est donnée à Véronique Naciri depuis Marrakech.

Sudestmaroc.comComment vivez-vous cette période de confinement en regard du rythme que vous aviez auparavant, impliquée au quotidien dans la gestion de votre activité professionnelle avec le Riad Marhbabikoum sur Marrakech ? Quelle a été votre réaction à l’annonce de ce confinement ? Merci de nous décrire depuis votre quotidien-type ainsi que le quotidien de votre entreprise ?

Véronique Naciri – Nous avons dû fermer complètement notre maison d’hôtes une fois nos derniers clients partis. Comme les avions ont rapidement été annulés et les frontières du Maroc fermées dans la foulée, nous avons du aider des clients français et anglais à trouver une solution pour rentrer chez eux. Puis, nous avons géré des séries d’annulations, de demandes de remboursement avec un calendrier à venir qui se vidait totalement. C’est très impressionnant et cela provoque un sentiment ambivalent. A la fois imaginer que cela ne devrait pas durer, garder l’espoir d’une reprise rapide, et dans le même temps constater que cette situation s’installe et va avoir de terribles conséquences économiques.

A l’annonce du confinement au Maroc, qui arrivait après celui de l’Italie et de la France, j’ai d’abord été sidérée. Il a fallu du temps pour comprendre ce que cela signifiait concrètement.

Mon quotidien, depuis plusieurs semaines maintenant, est rythmé par les cours à distance de mes enfants, heureusement ! Sinon, le temps est distendu, et au niveau professionnel, plus rien ne se passe, sans aucune visibilité. Plus une seule réservation, ni une demande de devis. Aucun projet de voyage. Personne ne planifie de séjour à Marrakech actuellement. On se dit qu’on peut travailler à préparer la saison future, mais comment le faire en étant confiné ? C’est finalement l’apprentissage de la patience.

Le ramadan nous a ensuite apporté un second rythme qui est assez bien adapté au confinement.

Véronique Naciri

Sudestmaroc.comVous vivez au Maroc depuis maintenant 19 ans. Quel regard portez-vous sur la manière qu’a eue le Maroc de réagir face à la pandémie qui frappe la planète entière ?

Véronique Naciri – Ce qui aura été très impressionnant, c’est la capacité du Maroc à décider une chose et à la mettre en place, avec une machine administrative qui fait que les choses se déroulent. Je pense qu’on a la chance d’être dans un pays où le Roi assume des décisions fortes et où il est écouté et suivi. Il y a une grande fierté dans le peuple marocain qui est patriote et a le sens du bien commun quand une catastrophe pareille arrive. Peu de polémiques, un réel engagement derrière le Roi, et des résultats concrets.

J’ai été particulièrement impressionnée par toutes les décisions prises au plan social : mise en place très rapide d’une sorte de « chômage partiel » pour les salariés des entreprises du tourisme, indemnités pour les personnes bénéficiant du Ramed (régime d’assistance médicale) et pour les travailleurs de l’informel. C’est énorme !

Il me semble d’ailleurs que le Royaume est cité en exemple par de nombreux journalistes étrangers. Cependant, nous ne verrons réellement les résultats des différentes stratégies choisies dans le monde qu’avec du recul, dans plusieurs mois !

Nous assistons, impuissants, à l’effondrement de notre secteur d’activité

Sudestmaroc.comL’activité touristique au Maroc, secteur économique majeur qui fait vivre un grand nombre de personnes, est aujourd’hui totalement stoppée. Quelles sont selon vous les conséquences présentes pour les opérateurs touristiques, tous métiers confondus ? Et concernant le futur à moyen terme, considérez-vous que cette crise va avoir de lourdes conséquences en terme de faillite ou de restructuration ?

Véronique Naciri – Je n’ai pas du tout une vision d’ensemble du secteur, mais il est évident que c’est un véritable tremblement de terre qui se produit, sans que quiconque ne puisse faire quoi que ce soit. Nous assistons, impuissants, à l’effondrement de notre secteur d’activité. Aucune perspective ne peut être émise, tant le monde entier vit la même catastrophe qui immobilise chacun dans son pays, sans, pour le moment, ni l’envie ni la capacité à voyager. Que se passera-t-il et quand ?

Oui, les conséquences seront lourdes, très lourdes !

Aura-t-on les épaules assez solides pour passer cette crise et patienter jusqu’à une reprise sérieuse de l’activité touristique ?

Sudestmaroc.comIl se pourrait que dans quelques mois, l’activité touristique, sur la planète, soit amenée à se transformer en profondeur ? Quelles évolutions sentez-vous venir d’un point de vue général pour le tourisme ? Tout recommencera-t-il comme avant la crise ?

Vénonique Naciri – J’imagine que les compagnies aériennes, quand elles seront en mesure de proposer à nouveau des vols, n’auront pas les mêmes tarifs qu’avant, tarifs qu’on pouvait considérer comme totalement fous. L’offre ne pourra plus être aussi pléthorique et à un tel bas prix. La conséquence sur la clientèle me semble évidente.

Par ailleurs, le tourisme de masse devrait ne pas redémarrer en suivant la tendance précédente. Je pense par ailleurs qu’un tourisme plus responsable, éthique et solidaire, déjà en développement, s’épanouira.

Sudestmaroc.comEt concernant le Maroc, quelles évolutions sentez-vous venir ou appelez-vous de vos vœux pour que ce secteur vital de l’économie marocaine puisse redémarrer et retrouver sa vigueur ?

Véronique Naciri – Je rêve d’une prise de conscience au Maroc de la valeur d’un tourisme vert, culturel, durable, éthique et solidaire. Il est essentiel que tous les intervenants du secteur puissent en bénéficier, et que cette solidarité soit valorisée. C’est le moment de mettre en place des critères spécifiques au Maroc, qui en feront le pays de l’excellence dans le domaine. C’est possible. Un grand plan de formation et d’accompagnement pourrait nous faire faire la différence.

Le Maroc dispose en outre d’un atout considérable. C’est que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a enclenché une réflexion sur le modèle de développement du Maroc. Après avoir fait le constat que ses 20 premières années de règne avaient garanti un réel développement et une croissance au Royaume, mais avaient également développé les inégalités, sa volonté est désormais que le pays remette en question son modèle de développement.

Un Comité constitué de personnalités marocaines du monde entier (le niveau des personnes concernées est très impressionnant) et dans toutes les spécialités possibles a été mis en place dans le but de proposer un autre modèle de développement. Je crois en l’avenir glorieux d’une telle démarche, et suis certaine que cela nous permettra de construire un Maroc plus éthique, équitable et solidaire. C’est le bon moment !

Sudestmaroc.comComment vous préparez-vous à cette reprise et à ces évolutions ?

Véronique Naciri – C’est une bonne question ! Nous commençons par analyser nos forces et nos faiblesses. Puis nous cherchons à imaginer quelles seront les opportunités de l’après crise, ce qui n’est pas facile, pour établir en conséquence un plan d’actions à mener dès que possible. Nous cherchons à maintenir vive et active notre clientèle. Nous communiquons beaucoup, notamment sur les réseaux sociaux pour diffuser des nouvelles.

Les atouts du Maroc restent une réalité

Sudestmaroc.comQuel message avez-vous envie de délivrer aux acteurs et aux décideurs du secteur touristique au Maroc ?

Véronique Naciri – D’abord je crois qu’il faut avoir confiance et avoir la foi dans la capacité du Maroc à se relever, chacun à son niveau, mais surtout collectivement. Les atouts du pays restent une réalité avec sa fabuleuse géographie, l’authenticité, l’hospitalité et la générosité de son peuple, la richesse et la diversité de sa culture, la beauté de ses villes, la variété de ses paysages, tout cela est bien présent. Ensuite, je pense qu’il faudra vraiment jouer collectif et assurer un plan national d’accompagnement des structures pour un redémarrage.

Sudestmaroc.comQuel message avez-vous envie de délivrer aux futurs visiteurs du Maroc ?

Véronique Naciri – Je crois qu’il faut que les futurs visiteurs sachent justement que le Maroc reste un pays de tradition, d’accueil et d’hospitalité, dont le niveau de professionnalisme et de sécurité est élevé, ce qui doit rassurer le voyageur.

La visite au Maroc est une expérience inoubliable, souvent très riche, et cela sera toujours le cas. C’est un pays merveilleux, chaleureux et dépaysant dont le peuple est si sympathique et la cuisine si savoureuse. C’est ce que cherche le voyageur qui veut quitter son quotidien.

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Véronique et Khalil Naciri
3 commentaires
  1. Je partage évidemment pleinement l’analyse ci-dessus et je pense que le Maroc dispose de tous les atouts imaginables pour que son activité touristique reparte dès que la crise sanitaire s’atténuera significativement.
    Mais combien de temps cela durera-t-il ?
    Actuellement c’est un choc très dur et, au Maroc comme dans tous les pays du monde, ce sont les plus précaires, les plus fragiles, qui sont le plus sévèrement touchés. Souhaitons à tous de pouvoir tenir.

  2. Je crois que la France a une relation particulière avec le Maroc et j’espère que nous aurons, au nom de cette relation, des partenariats privilégiés avec ce pays. Mais il est évident que le tourisme dit “de masse” est sans doute mort, et c’est peut-être mieux ainsi au nom de raisons écologiques. Certaines offres marocaines ne vont pas s’en remettre. Marrakech en particulier est le lieu où se côtoie le meilleur et le pire. Des propositions subtiles, à taille humaine, et des usines à touristes. Mais le Maroc dispose de tant d’autres atouts. En particulier au sud. Trop de casbahs sont abandonnées alors que l’on autorise des constructions en béton qui sont totalement absurdes d’un point de vue climatique. Je rêve aussi d’une approche de qualité qui fasse du Maroc un exemple de tourisme durable. Le pius grand atout du Maroc ce sont les marocains ! Et je recommande le ryad Marhbabikoum et l’excellent accueil des Naciri. Khalil est un guide exceptionnel ! Il paraît que c’est le meilleur 😉

  3. Le Maroc doit jouer sur un tourisme de masse et de qualité (la masse n’est pas contradictoire avec la qualité). On ne doit pas au nom de je ne sais quelles valeurs rester là où en ait !
    La France reçoit bien 80 millions de touristes et je ne crois pas qu’ils vont essayer de diminuer ce nombre pour les raisons cités plus haut ?
    Il faut juste diversifier notre offre.

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