Le « tourisme vert », atout majeur pour Ouarzazate, et le Maroc

Eric de Kermel est Directeur Général des éditions Bayard Nature et Territoires (magazine Terre Sauvage) et Vincent Fonvieille est PDG de l’agence La Balaguèreet Président de l’association Agir pour un Tourisme Responsable (ATR), réseau de 13 tours opérateurs thématiques français. Invités tous deux à  participer à  une table ronde organisée par l’association almaouja dans le cadre de l’atelier participatif thèmatique intitulé « Ouarzazate, quelle offre touristique pour participer au défi de la Vision 2020 ? », ils posent aujourd’hui bilan de cette expérience motivante d’un dialogue ouvert avec les participants de cette réunion sur l’avenir de cette économie vitale pour Ouarzazate et toute la région Sud Est du Maroc.

Sudestmaroc.comDurant votre participation à la table ronde organisée à Ouarzazate, vous avez pu entendre les avis de plusieurs personnes concernées par le tourisme et justement préoccupées par les défis qui font face à cette économie majeure pour la ville et ses territoires de proximité. Quel ressenti avez vous gardé de cette écoute ?

Eric De Kermel – J’ai été frappé par la motivation de chacun. Une motivation qui dépassait les seuls intérêts personnels mais témoignait bien d’un sens de l’intérêt général.

Vincent Fonvieille – J’ai aussi trouvé l’ensemble des participants très motivés et très responsables dans la façon d’aborder les problèmes. Ceci étant, j’ai également ressenti un sentiment global d’amertume vis à  vis de la situation touristique de Ouarzazate et les réponses vis à  vis des défis semblent avoir des difficultés à  s’organiser.

Sudestmaroc.com La question centrale qui motivait les débats était de réfléchir à la manière de susciter auprès des touristes des envies de séjours longs sur Ouarzazate alors qu’aujourd’hui la ville n’est bien souvent qu’une étape de passage dans la découverte du Maroc et de sa région Sud Est avec en point d’orgue les dunes du désert du Sahara. Croyez vous possible de parvenir à fixer le touriste sur Ouarzazate pendant plusieurs jours et si oui, comment procéder ? Quelle méthode pour atteindre cet objectif ?

EDK – Ouarzazate a tout pour réussir cet objectif mais encore faut-il bâtir le « produit » touristique et le faire connaà®tre. Aujourd’hui seul le cinéma est attaché à  l’image de la ville. Et aucune proposition n’est vraiment structurée en lien avec ce sujet. Pourquoi ne pas imaginer des projections en plein air de grands films tournés dans le Sud marocain ? Ces moments pourraient être associés à  des repas collectifs et permettraient ainsi de retenir les touristes toute une nuit.

Mais Ouarzazate a mieux encore ! Elle est le territoire des kasbahs et des ksour. La réhabilitation de Taourirte est une occasion à  ne pas manquer pour faire rayonner cette dimension autour du nom de Ouarzazate. Le Maroc doit aussi tout mettre en oeuvre pour stopper la disparition de ce patrimoine unique. A côté du tourisme organisé autour des villes impériales, il y a la place pour une belle offre touristique liée à  la culture, au patrimoine et à  la ruralité de ce Sud marocain dont Ouarzazate, pour le coup, est vraiment la porte d’entrée.

Il faut s’engager dans une démarche de marketing territorial

VF – Il faut procéder par ordre. Dans un premier temps, définir le périmètre : qu’entend-on par « région de Ouarzazate » ? Jusqu’où se sent-on appartenir à  ce territoire ? C’est très important car cela permet de dresser un état des lieux du territoire, de ses atouts, de leur diversité et de leur étendue.

Dans un second temps, il faut réunir, rassembler les acteurs du territoire. Une destination touristique, c’est un territoire + les acteurs qui y vivent. Cela ne peut pas être l’un sans l’autre. Il est très important que l’ensemble des acteurs soit associé, y compris et surtout les responsables locaux, même si cela est souvent difficile à  mettre en oeuvre.

Il faut enfin définir un positionnement, une originalité. Quelle est la spécificité de la zone de Ouarzazate, compte tenu de ses atouts, de son environnement, de ses acteurs, et surtout de la volonté de ses responsables locaux ? En d’autres termes, il faut s’engager dans une démarche de marketing territorial. Et le faire en fonction des marchés-cibles que l’on aura identifiés, avec les produits que l’on est capables collectivement de mettre en oeuvre.

Personnellement, il me semble que Ouarzazate devrait s’orienter vers un positionnement « Tourisme vert », sports Nature, découverte, en mettant en avant l’accueil et l’authenticité des habitants.

Sudestmaroc.com Un point de consensus a rapidement émergé des diverses interventions pour dire que Ouarzazate serait le lieu idéal pour un « tourisme vert ». Tout d’abord, quelle est votre définition de ce que serait un tel « tourisme vert » et comment Ouarzazate pourrait-elle s’accorder avec cette qualité ?

EDK – Un tourisme « vert » me semble devoir être articulé autour de deux dimensions : 1/ La découverte de la ruralité, de l’agriculture, des vallées, des palmeraies, qui conduisent le visiteur à  une découverte sensible des milieux rencontrés et de leurs habitants. 2/ Une dimension « écologique » dans la pratique touristique proposée : logement rural, randonnée, vélo, vie avec les populations. Cette médiation a le vent en poupe. Elle permet de toucher un touriste qui en a marre d’être considéré dans une masse seulement attendue pour consommer.

VF – C’est précisément ce que je disais plus haut. Compte tenu de ce que je connais de Ouarzazate et de ses environs, il faut s’engager dans cette double voie : un tourisme vert, respectueux de l’environnement, en développant la découverte à  pied, à  vélo. Et un tourisme à  visage humain, en misant sur l’authenticité des rencontres, l’accueil chez l’habitant etc …

Mais si cette option est prise, il faut s’y engager réellement, mettre en place des formations des acteurs, sensibiliser la population, etc … De façon à  mettre sur pied une offre qui corresponde véritablement à  ce positionnement. Ne pas tricher, sinon ça ne marchera pas. Ça n’est pas facile, mais c’est un beau challenge.

Atelier participatif thématique intitulé « Ouarzazate, quelle offre touristique pour participer au défi de la Vision 2020 ? »

Le tourisme du XXIème siècle sera responsable ou ne sera pas

Sudestmaroc.com Le tourisme est soumis à des transformations qui reflètent les évolutions de nos sociétés humaines et du monde en général. Cependant, il est communément admis que cette économie du loisir restera florissante sur la planète même si d’importantes mutations devront aboutir autant sur le domaine des offres que des demandes. En regard de votre expérience, quelles sont les composantes qui constitueront à l’avenir le tourisme ? Et quelle place le Maroc pourrait y occuper ?

EDK – Comme je le disais précédemment, je pense qu’il existe de multiples formes de propositions touristiques. Aujourd’hui on peut avoir le sentiment que le Maroc a tout fait pour une offre de masse. Or on voit bien avec les événements récents que la masse réagit en bloc. Les français qui ne viennent plus au Maroc suite à  des visions simplistes amalgamant Ebola et Daesh avec toute l’Afrique sont les plus populaires.

Il existe en France comme ailleurs un public plus subtil, un public qui sait qu’Ebola ne concerne qu’une infime partie de l’Afrique et que la Maroc est un pays où le risque terroriste n’existe pas. Cultiver une offre touristique subtile et sensible pour ce public est un investissement durable.

A lire : A Skoura, le rêve d’une palmeraie 100% écologique

VF – Même si je ne suis pas franchement objectif du fait de mes responsabilités à  ATR, je dirai pour paraphraser Malraux que le Tourisme du XXIè siècle sera responsable ou ne sera pas. Sera durable ou ne sera pas. Le respect de l’environnement, des ressources naturelles, le respect des populations locales, leur implication dans la production touristique, la recherche d’un mieux-être social des partenaires et salariés de l’économie touristique seront des composantes incontournables du tourisme de demain, c’est une évidence.

De même que la responsabilisation du touriste lui-même, son implication, et la recherche d’échanges sincères et véritables avec lui seront des données gagnantes. Et la qualité dans tous les domaines. Qualité étant pris au sens global, à  savoir respecter la promesse faite au client. Il faut proscrire tout ce qui tend à  l’opposé de ce concept.

Le Maroc est la destination la plus chère au coeur des français.

Sudestmaroc.com Les français ont été nombreux à annuler leur séjour au Maroc depuis les attentats de Paris en janvier dernier et demeurent encore réticents à s’y rendre. Quel message pourriez vous leur adresser après votre passage ici à Ouarzazate ? Et de manière plus globale, comment vivre et faire vivre le tourisme dans un monde en tourment ?

EDK – Je suis un très grand voyageur. Je connais le Maroc depuis très longtemps puisque une partie de ma famille est marocaine. Je peux vraiment affirmer que le Maroc est l’un des plus beaux pays du monde. Sa richesse ce sont d’abord ses habitants. L’accueil des gens du Sud est particulièrement exceptionnel. Mais l’on pourrait dire aussi que le Maroc mérite aussi les compliments qui sont faits à  la France quand on parle de la variété de ses milieux et de son patrimoine. Le Maroc est tellement différent, entre Tanger, Rabat, Marrakech, Fès, Essaouira, chaque ville est différente. Et que dire des régions qui sont une magnifique mosaïque entre le Rif et le littoral, les terres de Meknès et de Fès et bien entendu ce Sud marocain qui est lui-même très pluriel ! Ajoutez à  cela la cuisine, la musique, la littérature, et l’artisanat et vous verrez qu’aucun pays ne peut aligner autant d’atouts !

VF – Il faut regagner la confiance. Je sais que vous n’y êtes absolument pour rien, mais les français ont pris peur. Pour certains même, une peur panique. Après l’assassinat d’Hervé Gourdel à  l’automne dernier, nos clients inscrits pour les vacances de la Toussaint ont annulé en masse. Et certains étaient littéralement paniqués.

Il faut donc regagner la confiance. Communiquer, montrer que le Maroc est un pays de paix, paisible, qu’il n’est pas concerné par les djihadistes. Montrer sa solidarité vis à  vis des français.

Et puis faire preuve de patience. Le Maroc est un pays que les français adorent, pour toutes raisons développées par Eric, et que je partage. C’est certainement la destination la plus chère au coeur des français.

Il faut attendre, ils reviendront.

Crédit Photographie : Abdellah Azizi
www.azifoto.com

A lire : “Il faut une équipe gagnante pour Ouarzazate”

1 commentaire
  1. Bonjour,
    C’est avec une tres grande joie que je parcours ce texte. Il correspond pleinemement a l’image que j ai et au potentiel en lequel je crois pour la region de ouarzazate et ses habitants. Je vais de decouvertes en decouvertes en parcourant votre site et toutes font echos au sens que nous voudrions donner a notre vie de famille et notre implication sur place. J aimerais, dans le cadre d un projet d installation entre ouarzazate et skoura en famille, pouvoir prendre contact avec les acteurs locaux, ouarzazis et/ou francais afin d echanger sur les projets en cours et les besoins reels sur place. Nous sommes tous deux ergotherapeutes et je suis egalement mecanicien cycle. Beaucoup d idees trottent et resonnent a la lecture de votre article. Merci de ce que vous pourrez faire. Sincerement. Julien

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