Fadma Ait Hmam, une femme berbère au talent de peintre

Le talent n’a pas d’âge. Il n’exige aucun niveau d’instruction ni contexte social précis. C’est un don. Une graine qui germe au fond de chacun avant de pousser et paraître au grand jour. Fadma Ait Hmam a le talent de peintre. C’est à l’âge de 55 ans qu’elle découvre ce trésor enfoui en elle. Alors que le temps commence à tracer quelques rides sur son visage, Fadma avance à contre-courant et donne libre cours à son imagination pour peindre la vie et la colorer à sa façon. Certes elle a des racines de la tribu Iznaguen mais aussi les ailes d’une artiste spontanée qui apprivoise le pinceau.

Fadma est devenue aujourd’hui une grand-mère. Elle berce ses neveux et nièces. Elle berce aussi les souvenirs d’une vie écoulée sur les plaines, les montagnes et les champs d’Iznaguene, son village natal. Elle revoit sa vie d’antan ; une fille berbère qui voit le monde se limiter aux pourtours de son bled. Elle faisait de beaux tapis, conduisait un petit troupeau dans les parages, cherchait l’eau dans la rivière ou les puits… Les temps se succèdent et se confondent. Fadma atteint l’âge de mener une vie conjugale. Une maturité précipitée. Elle quitta son village pour vivre avec son mari à Kourkouda, un petit village à 25 km de Taznakhte. C’est son destin. Elle ne s’en plaint pas. Sa mission d’épouse fidèle et mère responsable est accomplie. Que reste-t-il de sa vie à elle ? La tempête du temps a tout balayé. Son enfance et sa jeunesse ne sont que des images dans sa mémoire qui surgissent à la lumière des souvenirs et qui disparaissent dans l’opacité de l’oubli comme dans un gouffre. Sans le prévoir ni même y penser une seule fois dans sa vie, Fadma a trouvé sa source : la peinture. Avec son pinceau, elle peint les mots de sa douleur, ravive ses souvenirs d’enfance, et adoucit ses moments d’amertume.

A soixante deux ans, la vie de Fadma est devenue une fontaine. Son imagination fertile coule en abondance et se fixe sur la toile sous forme de fleurs, de jardins, de montagnes et de casbahs. Une grande partie de son vécu et de son entourage remonte à la surface secouée par le désir de raconter sa vie et ses pensées. Chez elle, une pièce sert à la fois de salle d’invités, d’atelier de peinture et de salle d’expositions de ses tableaux.

Sa découverte de la peinture est une histoire récente. En 2007, elle suivait des cours d’alphabétisation à l’école de son douar. Un jour, l’instituteur demanda à ses élèves, toutes des femmes, de transcrire des lettres et des mots sur leurs cahiers. Avec des crayons en couleur, Fadma, novice dans l’écriture, griffonna quelque chose sur la feuille. L’instituteur impressionné par le dessin de son élève âgée de plus de vingt sept ans que lui déclencha le talent alors voilé. Il fournit à Fadma des pinceaux, de la peinture et des toiles. Depuis, elle a la passion et l’habitude de peindre. Une fois terminés, ses tableaux sont accrochés dans sa salle d’invités. Comme elle est très timide, elle n’ose jamais se déplacer toute seule pour participer aux expositions. En juin 2012, la Fédération Professionnelle de l’Artisanat lui a rendu hommage à l’occasion de la 2ème rencontre de l’artisanat organisée à Ouarzazate en présence de Mr Saleh Benyettou, gouverneur de la province de Ouarzazate.

C’est impressionnant de rencontrer une femme berbère peintre à l’âge de soixante deux ans. D’habitude, les femmes des villages du sud sont la toile de fond préférée des cartes postales et photos. Fadma, elle, a choisi de se dresser devant le chevalet pour dessiner son monde. Son talent n’a pas fléchi devant l’âge et le temps.

Crédit Photographie : Abdellah Azizi
www.azifoto.com

5 commentaires
  1. C’est de l’or avoir une plume qui parle la beauté oublié. C’est de l’or la vie … C’est de l’or l’orage qui bouleverse l’élément stagne. C’est de l’or fermer les yeux et laisser la couleur prendre la place du souffle le plus profond. C’est de l’or Fadma.

  2. I am enchanted by Fadma’s art, and while looking at these fabulous paintings I am transported to dreamland. I am so proud of her (she is from my Douar Agoulmime, Iznagen, Ouisselsat)….and short of words so much that I am deeply touched. I hoope to see her sometime soon, and that she’d get the fame and glory she deserves.

  3. Apparition – ou confirmation ? – d’un art naïf à Ouarzazate qui n’est pas sans rappeler l’art naïf de Bali, ou, à l’autre bout du monde, l’art naïf Haïtiuen découvert par André Malraux. Qui sera le Malraux de Ouarzazate ? J’ai ma petite idée… En tout cas, mille bravos réitérés pour ce site splendide ;))

  4. Bravo pour Fadma Ait Hmam,
    Nous pouvons êtres fiers (fièèèères) de cette dame qui lève très haut le drapeau de notre cher pays.
    Sa sensibilité à la beauté de ce monde ne manque pas de nous interpeller sur la nécessité absolue de donner à tous les chances de s’exprimer par les moyens que nous devons partager.
    Fadma sortira de l’anonymat pour conquérir une place dans nos cœurs et notre héritage pictural.

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